« Longtemps, je suis resté immobile, tapi dans un coin de ma chambre.
Cela doit faire environ deux semaines que je m’y suis enfermé. Mon reflet dans le miroir montre un visage aux joues et au menton envahis par une barbe hirsute. Comme je prêtais toujours une grande attention à ma tenue, je prenais soin de ma coiffure, et m’épilais aussi méticuleusement les sourcils. Maintenant, mes arcades sourcilières sont à l’abandon, comme une maison délabrée dans un champ en broussaille, et j’ai beau relever les mèches, ternies par la saleté, de mes cheveux qui ne sont plus lavés depuis des jours, elles me retombent chaque fois sur les yeux en désordre.
Tout me semblait fastidieux. Le moindre mouvement m’était affreusement désagréable. Je me contentais de sortir de temps en temps, en rampant à quatre pattes comme un énorme cancrelat, pour porter à ma bouche la nourriture qu’on m’apportait, et aller faire mes besoins, à l’abri des regards de ma famille. Mon dos rond, « dur comme une carapace », me faisait un mal de chien chaque fois que je bougeais. C’est sans doute grâce à cette douleur que je me suis rendu compte des changements qui se produisaient en moi et de leur rapide progression. »
Une brillante et mélancolique variation sur La Métamorphose de Kafka, par l’auteur de L’Eclipse et de Conte de la première lune.
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