Natsume Sôseki (1867-1916) est sans doute l'un des meilleurs représentants de ce Japon de l'époque Meiji qui va à la rencontre de l'Occident pour tenter de poser les fondations d'une nouvelle société.
Le premier des deux grands voyages qu'il effectue le conduit en Angleterre, d'octobre 1900 à janvier 1903, pour un séjour d'études où il doit parfaire sa connaissance de la langue anglaise. Il se retrouve à Londres, immense, moderne, polluée, où la toute puissance de l'argent structure la vie sociale. Par contraste, il a une conscience aiguë d'appartenir à un autre peuple - y compris physiquement, ce dont il souffre : «Nous autres Japonais sommes des péquenots débarqués de leur campagne, des propres à rien, des rustres, des nabots, des êtres humains à la peau jaune, bizarres. On ne peut que se moquer de nous.»
De cette confrontation avec l'Occident, Sôseki laisse des textes très variés qui relatent son expérience londonienne ; certains sont empreints de rêveries historiques (Le Musée Carlyle ou la Tour de Londres qui marque le début de sa carrière d'écrivain), d'autres particulièrement cocasses (Le Joumal d'un apprenti cycliste).
Le second voyage, d'agrément celui-là, le mène en Mandchourie alors sous domination japonaise, puis en Corée, de septembre à octobre 1909. Invité par l'un de ses meilleurs amis occupant un poste clef dans l'administration coloniale, il parcourt le pays avec nonchalance et cache difficilement son dédain pour les autochtones. Au cours de ses pérégrinations, de Dairen à Mukden en passant par Port-Arthur, il évite les cérémonies et dîners officiels pour mieux se laisser porter par ses impressions mêlées de souvenirs (il revoit des compagnons de jeunesse) et retrouver les traces encore fraîches de la sanglante guerre russo-japonaise. |